Aujourd’hui, j’ai honte.

Oui, aujourd’hui, j’ai honte. Honte de ne pas avoir pu trouver les mots. Honte d’avoir été obligé de laisser faire. 

Bah oui…, je ne suis qu’une personne ordinaire qui aime s’émerveiller devant les arbres. J’aime raconter des histoires sur les arbres à mes enfants, leurs expliquer que c’est un peu grâce à eux qu’ils peuvent respirer sur terre sans une combinaison spaciale. Qu’un arbre est capable de rendre l’atmosphère un peu plus vivable pendant les canicules, juste parce qu’il « mange » les rayons du soleil pour se nourrir. Et même, que ce taciturne d’Elzéar Bouffier était un mec plutôt cool, finalement. 

Peut-être comme vous, en regardant le JT, j’aimerais trouver une solution pour sauver les forêts d’Australie, de Californie, ou encore d’Oregon de ces feux gigantesques et dévastateurs. Cela me rend mal à l’aise, mais bon, n’est pas superman qui veut et finalement je passe à autre chose, impuissant…

… Tiens, pourquoi pas une agréable promenade dans les Vosges du Nord pour se changer les idées ?! Mais, très vite, en cheminant sur les sentiers, on remarque les « dépérissants » comme disent les forestiers. C’est, par exemple, ces hêtres qui à leurs cimes se parent d’une magnifique couleur automnale au début du mois de juillet : car ils meurent de soif. Mais bon, c’est le réchauffement climatique, moi tout seul je ne peux pas y faire grand chose d’après mon bouquin en papier recyclé bio acheté sur Amazon.

Et puis les arbres, ces vieillards présents sur terre depuis bientôt 400 millions d’années, ils vont bien s’en sortir !

Finalement, les enfants n’auront qu’à planter des palmiers à huile dans les Vosges du Nord ! Le climat y sera bientôt favorable et il paraît que pour la forêt amazonienne et indonésienne, c’est un débouché de croissance fantastique.

Ah mais, au fait, aujourd’hui, c’était un grand jour. Vers 8h ce matin, j’entends une horde de tronçonneuses à deux pas de la maison. La stratégie semble établie, la rangée d’arbres qui apporte un peu de fraicheur au voisinage durant les douces journées d’été à 40° semblent devoir passer de vie à trépas.

J’enfile ma tenue de super-héros local (bottes et short made in Bangladesh) et j’entame les discussions avec les terminators de la tronçonneuse, dits : « les Tronçonnors » (Il parait que les néologismes, c’est hype chez les écolos). “Ben oui, on coupe tout, question d’assurance ! Un arbre qui tombe sur la tête d’un gamin qui se promène nonchalamment dans votre jardin pendant une tempête de grêle ou une tornade, c’est pas cool pour lui”. Heu… OK, on peut signer une décharge ? Non parce que statistiquement, mourir écrasé par un arbre hors travaux forestiers, c’est presque aussi fréquent que de mourrir foudroyé. Il s’ensuit les plus beaux assauts rhétoriques que le monde moderne peut offrir, même Napoléon et son cadastre s’en mêle. C’est beau ! 

Les arbres, dans un bruissement de feuilles, rigolent de nos chamailleries … j’essaie … je fais de mon mieux … mais non on préfère donner des jours fériés pour financer les plans canicules plutôt que d’essayer un truc qui marche depuis 400 millions d’années. Ben oui, c’est scientifiquement prouvé, quand il fait chaud le vert des billets de banque c’est quand même beaucoup plus efficace que le vert des feuilles des arbres.

Maintenant, on y est, clap de fin, les arbres décapités poussent un dernier râle funeste et ne rigoleront plus jamais, c’est propre, c’est net, l’habitat des écureuils et des méchantes pies voleuses n’est plus. Alors oui, chacun est maître en sa demeure, mais à la différence de Napoléon ici pas d’ennemi à combattre et rien à conquérir. Aujourd’hui, on est seul face à nous même, à nos confortables certitudes et à notre peur du changement. Toutefois, avant d’arriver à la Bérézina, on peut quand même essayer de se poser la question de combien de temps on va pouvoir résister à la politique de la terre brûlée qu’on s’inflige aveuglément.

Aujourd’hui, j’ai essayé, mais j’ai honte, les Tronçonnors ont encore gagné.

Après, rien n’est perdu et plutôt qu’un retour en arrière avec l’épouvantail du “modèle Amish” ou du “Cro-magnon/hipster” (avec sa massue et son masque chirurgical), pourquoi pas simplement un peu de bon sens moderne ? La Sainte Catherine approche, et si tous ensemble, en Novembre, on plantait quelques arbres plutôt que d’investir dans une clim certifiée A+++ ?  

Après ce billet d’humeur un peu inhabituel, je tenais à m’expliquer en partageant avec vous quelques photos de nos vergers mais également de nos forêts.

Dans nos vergers, il devient de plus en plus compliqué de faire survivre nos arbres fruitiers situés sur les flans sud et sud-est, sans un arrosage très réguliers. Les jeunes sujets plantés en automne doivent même être arrosés une fois par semaine sous peine de dessécher. La situation est d’autant plus préoccupante dans les prés-vergers où l’accès à l’eau est particulièrement compliqué. Mais encore une fois la nature est bien faite et les arbres qui poussent à l’ombre des plus anciens semblent s’en sortir un peu mieux.

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Ici, un pommier demi-tige ayant environ 6 ou 7 ans desséché aux trois quart.
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Un jeune châtaignier planté à l’automne dernier. Il n’aura pas résisté à une semaine sans arrosage
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Un mirabellier sans feuille depuis le mois de juillet

Dans nos forêts locales, en plus des conifères qui agonisent depuis déjà quelques années, c’est maintenant au tour des bouleaux et de l’espèce endémique par excellence dans les Vosges-du-Nord : au hêtre, de se retrouver bien mal en point.

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Un “dépérissant”. La partie sans feuille au sommet de l’arbre a subit les canicules de 2019. Elle n’a pas eut de feuille 2020. La partie avec la feuilles desséchées correspond à la sécheresse de 2020. Les canaux de la sève étant maintenant bouchés sur ces branches, elles ne produiront plus de feuille en 2021. Et ainsi de suite, jusqu’à la mort de l’arbre….
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Sur un sujet isolé, on distingue bien les différents niveaux. La sève atteint les parties encore vertes , en revanche, elle n’arrive plus au sommet de l’arbre, qui dessèche.
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gérard lecocq
Lecocq Gérard
2 années il y a

Coup de sang, coup de colère, coup de blues. La trilogie est respectée dans sa chronologie habituelle. L’abattage des arbres en milieu urbain, c’est ce qu’on appelle, dans le Bas-Rhin, depuis une vingtaine d’années, le syndrome de Pourtalès. Si ces arbres allaient s’abattre sur nos enfants à la sortie de l’école ? Il faut reconnaître que la question mérite d’être posée. A l’époque de l’orage sur Pourtalès, j’ai rencontré un ” survivant ” qui n’avait ” qu’un bras cassé “. Comme pour tous les drames de cet ordre, il était fort choqué, non par sa blessure elle-même, mais par le “spectacle ” des décédés. Alors, si on peut éviter …

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