En cette fin d’année 2018, il existe une très forte probabilité que le frelon asiatique fasse son apparition dans les Vosges du Nord très prochainement. Le frelon asiatique (Vespa Velutina) est une espèce exotique envahissante et prédatrice des insectes pollinisateurs, notamment des abeilles. Au travers de cet article, je souhaite vous sensibiliser à cette problématique car en tant qu’arboriculteur ou passionné de nature, vous serez vraisemblablement parmi les premiers à pouvoir repérer cette nouvelle espèce de frelons.
L’histoire d’amour entre le frelon asiatique et la France commence entre 2001 et 2004. Il est formellement identifié dans le sud-ouest (Lot-et-Garonne) en 2004. Son introduction sur le territoire français est d’autant plus intéressante qu’il s’agit vraisemblablement d’un individu unique ayant voyagé caché dans un lot de poteries chinoises.
A partir de ce moment et en l’absence de prédateur direct, le frelon a pu facilement bâtir de nouvelles colonies en se propageant d’environ 100 km par année aussi bien au Nord qu’au Sud de la France.
L’Alsace sera touchée en 2016 avec des signalements à Oberhaslach et Seltz. En 2018, il est détecté sur les communes de Wolfisheim, Eckbolsheim et Oberschaeffolsheim. A l’échelle européenne, l’Allemagne, l’Angleterre, la Belgique, l’Espagne et même l’Italie sont touchées.

Le frelon asiatique est assez facilement identifiable de par sa couleur. L’abdomen présente une seule bande jaune. Le thorax est complément noir. Ses pattes sont jaunes aux extrémités. De plus sa taille d’environ 3 cm est un peu moindre comparée à celle du frelon commun qui avoisine les 4 cm.
Le cycle de vie du frelon asiatique est plutôt original et même si l’insecte n’est pas vraiment apprécié sous nos latitudes, il faut avouer que nous nous trouvons face à un prodige de la nature en termes de capacité d’adaptation.
Tout commence à l’automne où chaque colonie va élever entre 300 et 500 reines. Chacune de ces reines est capable à elle seule de fonder une nouvelle colonie. On comprend maintenant comment une reine seule, arrivée inopinément dans une poterie, a pu coloniser un territoire entier.
Après fécondation, ces nouvelles reines vont ensuite quitter le nid et trouver à proximité un endroit où hiberner (cavité, tas de bois, etc…). Les reines vont hiberner jusqu’en mars et on estime qu’environ 10% vont survivre à l’hiver.
Au printemps, le début de l’activité des reines correspond à la période de floraison des premiers arbres fruitiers (Pêchers, abricotiers, poiriers, etc…). Elles vont à ce moment sortir d’hibernation et se déplacer jusqu’à 100 km afin de trouver un emplacement idéal pour construire le nid primaire. Ce dernier ressemble à un nid de guêpe, avec simplement une ouverture plus large sur le bas. Le régime alimentaire du frelon est à cette période essentiellement constitué de sucres. Il peut être observé sur les fleurs. Cela correspond également à la période idéale pour effectuer un piégeage sachant que la reine est absolument seule durant quelques semaines. Le piégeage SÉLECTIF, dédié uniquement à la capture du frelon asiatique est capital afin de préserver les autres insectes. Vous pouvez voir la construction d’un piège sélectif simple (temps de construction estimé à 10 min) sur le lien suivant : Construction d’un piège sélectif pour le frelon asiatique.

A l’approche de l’été, le nid primaire n’est plus assez grand. La jeune colonie va maintenant se lancer dans la construction du nid secondaire, généralement à la cime des arbres. Il fera jusqu’à 1 m de diamètre et hébergera 13000 individus. L’entrée du nid a comme particularité d’être située sur le côté dirigé vers l’est.

L’été correspond à la période où le frelon asiatique pose le plus de problème pour la biodiversité locale. Son régime alimentaire change pour être maintenant essentiellement constitué de protéines animales. Les besoins d’une colonie sont d’environ 500 gr de protéines par jour. Afin de mieux cerner le problème et donner un ordre de grandeur, cela correspond à 15 000 abeilles par jour soit les 1/3 d’une colonie d’abeilles en bonne santé. Il ne faudra que quelques jours aux frelons asiatiques pour décimer complètement une ruche.
Que pouvons-nous faire ? Tout d’abord je tiens à préciser que nous sommes face à une situation relativement récente qui impose une certaine prudence. Le piégeage de printemps est aujourd’hui recommandé par les apiculteurs et se base sur des retours d’expériences positifs effectuées dans les régions touchées depuis plusieurs années. L’attitude à tenir face au frelon sera vraisemblablement amenée à évoluer et à se préciser en fonction de l’avancée des connaissances. Les scientifiques pensent notamment qu’une régulation naturelle devrait se mettre en place, d’autant plus que toutes les colonies actuelles ont un patrimoine génétique issu d’une seule et même reine. La question est de savoir dans combien de temps, surtout à notre époque où l’équilibre de la biodiversité est gravement malmenée. Un pessimiste pourrait se demander si un potentiel futur prédateur local est encore présent ou si il a déjà sucombé sous les assauts des pesticides ??
Aujourd’hui en France, le frelon asiatique est classé comme espèce exotique envahissante de 2ème catégorie, c’est-à-dire qu’un plan de lutte doit être défini au cas par cas, département par département, sans coordination nationale.
Outre le piégeage de printemps, il est également important de repérer les nids :
- En été, afin de limiter la propagation, il faut impérativement signaler les nids aux pompiers en appelant le 18, même s’il est localisé en forêt et loin d’habitations. L’intervention est gratuite (tout du moins dans le Bas-Rhin). Il faut bien évidement s’abstenir d’intervenir soi-même. Le frelon asiatique n’est certes pas agressif en condition normale, mais cela n’est absolument plus le cas à proximité du nid où il attaquera en très grand nombre. Pour l’anecdote, Il est même capable de projeter son venin sur quelques de centimètres (visage, yeux…) et une protection classique n’est pas suffisante.

- En hiver, le repérage des nids est facilité par l’absence de feuille. Cependant il n’y a plus lieu d’intervenir car ils sont vides. L’ensemble des frelons à l’exception des nouvelles reines meurent à l’approche de l’hiver. Le plus simple est de transmettre l’information à un apiculteur afin qu’il la relaie auprès du groupement départemental sanitaire apicole (GDSA). La vigilance sera cependant de mise au printemps suivant.